Écrit par daniel

Témoignage de Marie-Dominique Bogo, directeur de projets chez SUEZ, Recyclage et Valorisation France, dans le cadre du programme Archiwaste de Future of Waste.

Bonjour Madame Bogo, je suis Antoine Delaunay Belleville, animateur de la communauté Future of Waste, le programme international de mobilisation citoyenne créé par MakeSense et SUEZ pour faire émerger et grandir des solutions de prévention, de réemploi et de recyclage des déchets. Tous les 6 mois, nous développons une mobilisation thématique pour tenter de susciter ou d’accélérer des transformations sectorielles et nous avons travaillé en 2017 sur le sujet des déchets dans le secteur du BTP.

Antoine de Future of Waste : Pouvez-vous présenter votre parcours ?

Marie Dominique Bogo : Je m’appelle Marie Dominique Bogo. J’ai d’abord travaillé chez Danone dans le domaine de la fabrication de produits en verre, ce qui m’a permis de connaître l’industrie et la distribution. Il y a 17 ans j’ai rejoint SUEZ comme directrice d’une agence opérationnelle à Lyon, puis j’ai rejoint le siège à Paris pour développer de nouvelles filières qui ont donné naissance au pôle recyclage. Dans ce cadre, j’ai contribué à la création de 2 sociétés, l’une pour recycler les DEEE [Déchets d’équipements électriques et électroniques], l’autre, pour créer un site pilote de déconstruction industrielle de VHU [véhicules hors d’usage]. Après 7 ans de direction marketing pour l’activité Recyclage et Valorisation en France, j’ai repris le chemin du management de projets disruptifs et la mise en place de nouveaux business models.

 

Quelle a été votre contribution à la transformation de l’industrie de démolition automobile vers la déconstruction ?

Dans les années 2000, une nouvelle réglementation pour la gestion des VHU a été mise en œuvre, fixant aux acteurs de l’automobile un objectif de valorisation de 95% pour 2015. A cette époque, nous avons renforcé notre participation dans Indra, puis avons créé en 2005 ReSource Engineering, avec lequel nous avons réalisé le pilote de déconstruction dans l’objectif de sortir de la démolition automobile et d’aller vers le réemploi.

Notre objectif était de pouvoir proposer notamment une gamme de pièces automobiles normées. Et c’est en reconstituant les processus de démontage que nous avons pu montrer aux constructeurs l’intérêt de la démarche que nous entreprenions.

 

Quels changements conjoncturels ont pu légitimer votre expérimentation ?

L’un des effets de la crise de 2008 a été une prise de conscience renforcée quant à la raréfaction des ressources. Cette année-là, nous avons réalisé une joint-venture avec Renault sous la houlette de SUEZ et INDRA , avec laquelle nous avons développé un nouveau business model en nous appuyant sur le réseau Indra et la professionnalisation des déconstructeurs. La société Indra assure depuis son origine la gestion sécurisée des VHU pour les concessions, les assureurs,etc, et propose aujourd’hui une gamme de pièces autos normées.  Il aura fallu une dizaine d’années pour mettre en place cette normalisation et l’utilisation de pièces détachées issues de véhicules hors d’usage.
Tout cela a contribué à impulser la mutation du métier de la démolition automobile vers celui de la déconstruction et du réemploi en travaillant de concert avec les industriels et grâce à la création d’outils d’inventaire, de déconstruction sélective et d’autres services adéquats. Il y a des parallèles à tracer avec d’autres secteurs. Je pense notamment que celui du BTP présente aujourd’hui des tendances similaires à la fois dans son organisation et dans la transformation de son modèle.

 

Aujourd’hui votre groupe est mobilisé pour impulser les mêmes transformations dans le secteur du BTP ?

Le groupe SUEZ est bien sûr présent et actif dans cette activité. Depuis plusieurs années, nous proposons des solutions dans la collecte et le traitement des déchets non dangereux, dangereux et des terres excavées. La dynamique des acteurs du BTP nous a conduits à réfléchir différemment pour proposer de nouvelles solutions différenciantes et encore plus adaptées à leurs besoins et la nécessité de recycler toujours plus et mieux.

Nous avons donc réalisé plusieurs enquêtes auprès de nos clients et prospects, ce qui nous a permis de structurer l’offre de SUEZ autour de 3 axes clients : « Chantiers Flex » pour les petits chantiers ou les besoins de flexibilité ; « Chantiers Pro » pour les clients désirant développer auprès de leurs clients une démarche de tri des déchets et « Chantiers Verts » pour les acteurs qui recherchent une solution de pilotage et de pérennité environnementale pour l’exemplarité des chantiers plus complexes.
Dans le même temps, nous avons mené, avec l’openLab IDEAS Laboratory et ses partenaires, une réflexion sur les usages de la ressource, la problématique de l’économie circulaire et la transformation de la filière BTP dans le cadre du projet NextMat. Notre objectif était de comprendre, en partant de l’identification des produits et matières composant un bâtiment à rénover ou déconstruire, comment organiser et optimiser l’utilisation de la ressource en associant toute la chaîne d’acteurs de l’économie circulaire.

Dans ce cadre, nous avons notamment réalisé un chantier expérimental avec l’équipe Bouygues Rénovation Privé, et réalisé une déconstruction sélective dans un espace contraint. Sur un chantier de rénovation de 6000m² en région parisienne, nous avons pu trier par étage et collecter séparément 9 flux de matières différentes avec 1 seule benne sur le site, tout en conservant l’équilibre coûts/délais et en améliorant l’impact environnemental. Nous pouvons attester un taux de valorisation de près de 75%, suivi avec des outils de traçabilité. Une belle réussite !

Le projet NextMat a permis de présenter la transformation de l’écosystème et du rôle des acteurs, de montrer la nécessité impérative de travailler en collaboration et enfin de proposer un nouveau process pour gérer les chantiers. Ce projet a en outre souligné l’importance de l’éco-conception des matériaux du futur dès la phase de conception d’un bâtiment et de la prise en compte de l’organisation du réemploi, de la réutilisation ou du recyclage dès la phase amont.

 

Vous avez proposé des solutions pour améliorer le taux de recyclage matière mais qu’en est-il du réemploi ?

Pour développer le réemploi ou la réutilisation, il est nécessaire de mettre en place de nouveaux process, notamment la déconstruction sélective avec un démontage adapté, mais aussi une identification précise des produits et matières , ainsi qu’une nouvelle organisation de commercialisation, qui s’appuient sur le digital.

Un nouveau modèle se dessine, de nouveaux acteurs se mobilisent…
Mais il faudra comme nous l’avons connu dans le domaine automobile, organiser un véritable marché professionnel du réemploi ou de la réutilisation, le normer, insérer des clauses dans les appels d’offres publics, assurer la traçabilité etc. Nous travaillons actuellement sur ces sujets, avec nos clients et les organismes professionnels.

De nombreux secteurs se transforment pour intégrer les enjeux d’économie circulaire ; SUEZ s’est organisé pour y répondre de façon innovante, adaptée en utilisant notamment les outils digitaux et des expertises et technologies de pointe.

Cet article a été co-publié avec le site Open Resources, vous pouvez trouver une version anglaise de cette interview.