“Je suis arrivée à Mayotte le 8 mars 2016 pour travailler en tant que médiatrice en environnement au sein d’une association environnementale de l’île. Jeune diplômée d’école de commerce passionnée par la nature, ce nouvel emploi représentait pour moi une immense opportunité. Car en effet, l’île jouit d’un patrimoine naturel et culturel exceptionnel : entourée d’une double barrière de corail, le lagon de Mayotte est extrêmement riche en biodiversité marine. Sur terre, des espèces remarquables d’arbres ornent l’île, des espèces endémiques animales et végétales habitent les villages et des forêts de mangroves font office de barrières naturelles entre la terre et le lagon. Toutefois, j’ai très vite compris que cette richesse n’était pas acquise. La pression démographique et l’urbanisation galopante mettent en péril la survie de ce patrimoine naturel exceptionnel.
Hélène Loustau est une jeune voyageuse passionnée d’environnement, et de bouteilles consignées ! Elle est partie l’année dernière faire le FoodSenseTour en America del Sur découvrir les productions et consommations alternatives. Aujourd’hui elle est médiatrice environnement dans l’asso Les Naturalistes de Mayotte et travaille sur la gestion des déchets sur l’île, surtout dans les mangroves.
« Mayotte jouit d’un patrimoine naturel et culturel exceptionnel. J’ai très vite compris que cette richesse n’était pas acquise. »
L’un des défis urgents à relever pour protéger la nature est certainement celui de la gestion des déchets. Aujourd’hui, il est frappant de constater la quantité de déchets qui jonchent le sol et les rivières de l’île. Lors de fortes pluies, tous ces déchets sont évacués dans la mangrove et/ou dans le lagon lorsque celle-ci n’est pas en mesure de les retenir. L’absence de sensibilisation et d’éducation sur la question des déchets, le manque de moyens, la non-efficacité du système de collecte, l’augmentation de la proportion d’emballages plastiques dus aux biens de consommation importés sont autant de paramètres permettant d’expliquer cette situation.
Face à cette réalité, l’une de mes premières missions en tant que médiatrice en environnement a été l’organisation d’une action de nettoyage de la mangrove sur une demi-journée. Cette action avait pour objectif de sensibiliser le maximum de personnes à l’importance de cet écosystème indispensable qu’est la mangrove, ainsi qu’à la nécessité de la préserver. La mangrove fait office de filtre naturel qui empêche les déchets et les eaux usées de se déverser directement dans le lagon, et protège également la terre des intempéries venant de la mer. C’est aussi un espace où de très nombreuses espèces d’oiseaux et de poissons viennent passer un temps pour se protéger, se nourrir ou se reproduire. Espace redouté dans la culture mahoraise (habité par des Djinns), il est encore aujourd’hui chose commune d’y déverser ses encombrants. Cela explique notamment la découverte de vieux moteurs, de batteries, de carcasses d’ordinateurs, de pneus, de turbines et autres ferraille en tout genre lors de l’action de ramassage.
« Moteurs, batteries, carcasses d’ordinateurs, pneus, turbines et ferraille en tout genre… »
Cette action, bien que ponctuelle, a notamment eu l’avantage de réunir autour d’elle un grand nombre d’acteurs clés dans la gestion des déchets sur l’île : associations, institutions et médias. Cela a permis de nettoyer un –bien que petit- espace de mangroves, et de sensibiliser les populations à la question des déchets et de la préservation de cet espace naturel. Au total, une centaine de personnes étaient présentes et environ 300 sacs de 100L de déchets ont été collectés avant d’être évacués. Le principal défi réside dans la suite à apporter à cet événement : quels acteurs ? Quels moyens ? Quelles mesures ? Il est impératif de rebondir sur le succès de cet événement, et il est également nécessaire d’agir très vite.
« Le principal défi réside dans la suite à apporter à cet événement »
La conjoncture sociale de Mayotte se doit aussi d’être prise en considération au moment d’aborder la question de la gestion des déchets sur l’île. En effet, Mayotte fait partie de l’archipel des Comores et est un département français depuis quelques années. Désireux d’accéder à un système de soin et d’éducation meilleurs, de nombreux citoyens comoriens arrivent tous les jours sur l’île. On estime aujourd’hui qu’environ 40% de la population de Mayotte est clandestine. Compte tenu des priorités de ces personnes (plus soucieuses de pouvoir survivre et gagner un peu d’argent rapidement que des questions environnementales), il semble difficile de pouvoir sensibiliser ces populations sur les questions de gestion des déchets. Par ailleurs, avec un taux de natalité de quatre enfants par femme, 75% de la population de l’île a aujourd’hui moins de 25 ans. Ces jeunes, parfois peu suivis et délaissés, ou non scolarisés, se tournent parfois vers la délinquance.
Face à cette réalité complexe, des solutions doivent émerger. Il est intéressant de constater que de bons résultats en termes de collecte des déchets peuvent être atteints dans des pays où une grande partie de la population vit ainsi dans une situation de pauvreté et de clandestinité. En Inde, la ville de Coimbatore parvient à recycler 80% de ses déchets via un réseau structuré de Wastepickers. Au Brésil, plus de 90% des déchets qui sont recyclés sont collectés de manière informelle par les catadores. Dans des contextes insulaires, on a souvent prétexté que les usines de recyclage n’étaient pas adaptées de par leurs coûts et de par les volumes minimum qu’elles devaient traiter. Aujourd’hui les barrières d’accès aux unités de transformation ont été drastiquement réduites grâce à des lowtechs comme Precious Plastic, les projets de création de matériaux de construction ou d’artisanat à partir de déchets comme E-cover au Sénégal, les Pavés de Lomé au Togo, TecoCarré au Burkina Faso montrent qu’avec des investissements modiques on peut créer des filières pour intégrer de manière utile et propre les déchets générés et offrir une rémunération aux personnes qui seraient prêtes à collecter et trier les matières premières abandonnées sous forme de déchets. Les actions de sensibilisation, de prévention doivent bien sûr continuer, mais face à l’urgence sociale et écologique et eu égard à la grande efficacité écologique de l’intégration de coopératives de WastePickers c’est une piste qui mériterait d’être envisagée.
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