Écrit par daniel

Le 24 octobre dernier lors de la soirée Construire et déconstruire, Future of Waste clôturait la campagne ArchiWaste, sur les enjeux et solutions de gestion des déchets issus du secteur BTP et de l’architecture. Le temps d’une soirée, nous sommes revenus sur les apprentissages clés de ces 9 mois d’exploration. Au programme : éco-conception des bâtiments, matériaux bio-sourcés, déconstruction réemploi, et collaborations multi-acteurs. Retour sur une table ronde inspirante avec Emmanuel Cazeneuve de Hesus, Baptiste Furic de Bellastock , Sophie Florin de notre partenaire actif SUEZ, Mathilde-Alexia Pioline et Grégoire Mouly de LM ingénieur

 

Vous pouvez regarder l’intégralité de la soirée en cliquant sur ces vidéos

Partie 1 : https://www.youtube.com/watch?v=qTHsxI0itZ0&t=62s

Partie 2 : https://www.youtube.com/watch?v=eu-wGqN05N8&t=36s

Partie 3 : https://www.youtube.com/watch?v=sOePMeUime0&t=1s

Partie 4 :  https://youtu.be/fovGl-RPIo0

Mais si vous préférez la version courte …

 

4 raisons de sauter le pas

1/ C’est bon pour notre environnement #impact #environnemental

Alors que l’attention est dirigée vers la consommation d’énergie durant la phase du bâtiment, il semblerait que l’impact environnemental de l’extraction et de la fin de vie soit au moins aussi important et les marges de progrès y sont colossales.

  • 85% des bâtiments pourraient être réutilisés ou recyclés mais aujourd’hui la majeure partie part en remblais ou en décharge.
  • Toutes les 15 secondes, l’équivalent d’une piscine olympique de sable est extraite des fonds marins pour la production de ciment.

Emmanuel de Hésus : “Rien que sur les travaux du Grand Paris, 40 Millions de tonnes de terres seront excavées  dans les 20 prochaines années, soit l’équivalent de 6000 piscines olympiques !” L’équivalent de 2000 piscines de terres seront enfouies, mais elles pourraient être ré-utilisées de manière plus opportune,comme servir de matériaux de construction ou de remblai.

Outre les matériaux de réemploi, il existe par ailleurs de plus en plus de solutions alternatives à base de matériaux bio-sourcés : béton de chanvre, bois, terre crue, etc.

2/ ça favorise l’emploi #impactsocial

Sortir du béton, c’est aussi permettre la revalorisation de savoir-faire, et la redynamisation de l’économie locale. Grégory Mouly de LM Ingénieur donne l’exemple d’un chantier ou l’utilisation de matériaux bio-sourcés pour faire béton de chanvre … a été une occasion pour les ouvriers en insertion de la régie de quartier de valoriser des techniques qu’ils avaient déjà pu pratiquer dans les pays d’Europe de l’Est !

L’utilisation de matériaux bio-sourcés locaux permet d’éviter de nombreux coûts écologiques liés  à l’extraction et au transport. Nous disposons en France d’un important patrimoine et de nombreuses expérimentations de différentes envergures valide la faisabilité et l’intérêt de ces matériaux.  Reste encore à faciliter la formation professionnelle, la certification des caractéristiques etc.

Pour Baptiste Furic de Bellastock :

“On peut réorienter le travail des bétonneux vers la terre. Le torchis, les briques de terre crue, sont des techniques de maçonnerie classique … La seule différence c’est qu’on le fait à partir de terre. La terre, c’est un matériaux qui a 6000 ans de R&D, les pays occidentaux ont perdu ce savoir-faire quand on est passés au tout béton,  il s’agit désormais de se réapproprier cette compétence dans la conception architecturale. La terre c’est un matériaux qui a 6000 de R&D.” 

Privilégier le réemploi et le recyclage (bien souvent dans des dynamiques de circuits courts), c’est aussi se donner les moyens de (re)créer des bassins d’emploi locaux cohérents et non délocalisables.

3/ ça ne coûte pas plus cher!

Ou du moins pas toujours ! L’étude Démoclès avait déjà mis en avant les gains économiques du réemploi et du recyclage pour les déchets du BTP.  Sophie Florin de SUEZ confirme que cela se vérifie sur le terrain avec l’exemple du chantier GIM, un chantier de déconstruction sélective. A priori contraignant (situé en milieu urbain dense, il y avait de la place pour une seule benne), le chantier a permis aux équipes de SUEZ d’innover sur toutes les étapes de la déconstruction … Et d’assurer un taux de valorisation de 75%, sans surcoût par rapport à un chantier “classique”. Seule condition, pouvoir travailler en amont de la démolition

Sophie Florin de SUEZ le rappelle

“Quand on nous appelle pour savoir ce qui peut être fait en revalorisation alors que tout a été détruit et mélangé, il est déjà trop tard.” Sur le chantier GIM, le fait d’être présent très en amont pour le diagnostic a permis de traiter séparément 9 types de flux de déchets (contre 2 ou 3 flux en général) et d’organiser un curage au fur et à mesure de la déconstruction, tout en évitant le remélange. »

 

4/ Il existe des nouveaux outils de diagnostic

Aujourd’hui un peu comme pour ce qui était le cas pour les véhicules hors d’usage, il est difficile de quantifier et de localiser les différents éléments qui constituent un bâtiment. Il n’y a pas de  “mode d’emploi” pour le démonter, le réemployer ou le recycler. S’il existe des méthodes de diagnostic, ils sont rarement réalisés, par manque de temps et d’absence de contrôle. De nouveaux outils numériques permettent de faciliter la réalisation de ces diagnostics, ce qui permettrait de transformer chaque bâtiment en potentiel banque de matériaux et d’éléments assortis d’un mode d’emploi sur leur potentiel et la manière de les récupérer.

C’est le cas du BIM (Building Information Modeling), qui, en intégrant de plus en plus d’information sur les matériaux, nous donnera dans 50 ans les archives digitales de la composition d’un bâtiment. Cela fonctionne pour les bâtiments neufs, mais comment faire pour l’existant ? “On se retrouve face à une copie blanche” intervient Sophie Florin, “il faut aussi penser au passé”.  SUEZ commence à utiliser le “RIM” (Resource Information Modeling) pour faciliter les diagnostics en amont de la déconstruction.

 

Pourquoi ça n’avance pas aussi vite qu’on voudrait ?

 

La rencontre entre offre et demande est difficile

“La clé du succès c’est mise en relation entre l’offre et la demande. Il faut recréer cet écosystème vertueux. Si on déconstruit mais que personne n’en veut, cela ne sert à rien.”
Sophie Florin, SUEZ

Future of Waste avait  publié un article assorti d’une base de données qui montrait que les plateformes physiques comme Recyclobat à Toulouse, ou digitale comme Matabase, Batiphoenix à Paris ou Re.source à Lyon se multipliaient mais que, si elles étaient une condition nécessaire à la transformation du secteur, d’autres leviers plus culturels étaient nécessaires pour ancrer la pratique du réemploi dans le quotidien des métiers du BTP.

 

Une bonne traçabilité est nécessaire pour assurer la confiance

Comme pour tout système d’économie collaborative, la question de la confiance entre les acteurs est clé.  Pour que l’usage du réemploi se généralise il faudrait pouvoir garantir la quantité et la provenance, et documenter les couples matériaux/usage pour que les acteurs de la construction et de l’assurance aient confiance dans les solutions et méthodes de réemploi.  

Ce sont les maîtrises d’ouvrages qui sont responsables de la matière et qui vont réaliser les échanges, c’est à elles de garantir la provenance et les usages des matériaux. Par exemple sur l’usage des fenêtres de seconde main, il faut s’assurer qu’il n’y ait pas de couche de peinture au plomb.

Ancrer les pratiques sur le terrain

Encore faut-il adapter les outils de traçabilité aux pratiques des acteurs de terrain ! Les collaborateurs des chantiers préfèrent téléphoner plutôt qu’utiliser les applications.

“Imaginer qu’on peut tout gérer en ligne est illusoire. Il ne suffit pas de prendre en photo des briques et de les poster pour que cela marche.”
Emmanuel Cazeneuve, Hésus.

Aujourd’hui, les échanges se fondent sur de l’oral et non de l’écrit, or ce n’est pas suffisant pour mettre en place un système de traçabilité fiable à l’échelle du secteur.

De manière générale, la question de l’appropriation des enjeux, des solutions et des outils de l’économie circulaire par les acteurs du secteur est un des principaux défis mis en avant par tous les intervenants, afin d’imposer les solutions “par la base”.

Sur la question de la traçabilité, beaucoup de protocoles existent mais le secteur manque de connaissances sur les outils légaux et juridiques.” Baptiste Fleury, Bellastock. “Tout est là, il faut juste changer les mentalités” Emmanuel Cazeneuve, Hésus. Sophie Florin met en avant le manque d’informations et de formations liées aux questions d’économie circulaire dans les cursus des écoles d’architecture ou l’ingénieurs.  

Repenser la rentabilité

Aujourd’hui, l’entreprise Hesus a 8 ans et a gagné de nombreux  appels à projets (IdF, Paris, Europe, etc.) mais ces mêmes institutions qui sont promptes à filer un coup de pouce financier et médiatique au début des projets, intègrent finalement peu de clauses “économie circulaire” dans leurs appels d’offres.. De même, les logiques de performance économique sont souvent évaluées à l’échelle d’un flux ou d’un seul chantier, alors qu’un des critères de succès de l’économie circulaire est justement d’adopter une approche globale. Or, il est important que la transformation se fasse aussi via des leviers économiques et réglementaires. C’est pour ca qu’il faut développer des outils qui intéressent directement les donneurs d’ordre.

 

Les prochains défis à relever

  • Passer de l’expérimentation à l’industrialisation notamment lors des chantiers du grand Paris
  • Faire du réemploi premium
  • Éduquer et transformer le secteur (y compris les architectes)/ changement de mentalités et de pratiques
  • Réussir à être à la fois curieux et rentable